La “forclusion” est la perte du droit à agir en justice à l’expiration du délai qui est prévu dans la législation pour faire valoir ce droit. Elle n’éteint pas la dette. Elle interdit seulement au créancier de demander en justice la condamnation de l’emprunteur au paiement. En conséquence, elle n’a aucune incidence sur l’inscription des données de l’emprunteur au FICP (Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers) et elle n’empêche pas le créancier de demander le règlement de sa créance dans le cadre d’un recouvrement « amiable » (c’est-à-dire sans jugement).
En matière de crédit à la consommation, il s’agit d’un délai au-delà duquel le créancier ne peut plus demander au tribunal de faire reconnaître sa créance et de faire condamner l’emprunteur au paiement de celle-ci. Et en matière de crédits à la consommation, il existe un délai de deux ans (cf. article L. 311-52 du code de la consommation : « les actions en paiement engagées devant (le TI) à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé… »).
Cependant, lorsque les créances sont frappées de forclusion, il arrive fréquemment qu’elles soient vendues, pour une somme inférieure, à des organismes spécialisés dans le recouvrement, qui font eux même appel à des huissiers de justice qui se lancent dans des démarches insistantes et répétées auprès des débiteurs (appels téléphoniques répétés, courriers recommandés avec menace de saisie sur biens…). Ce sont sur ces dérives qu’un parlementaire interroge la Garde des Sceaux.
Selon le parlementaire à l’origine de la question, ces dérives des huissiers dans les recherches des créances frappées de forclusion qui s’adressent souvent à des personnes en situation de grandes difficultés et de vulnérabilité (retraité en situation de surendettement…), sont à la limite du harcèlement.
En réponse le 9 juillet 2019, la Ministre de la Justice rappelle que :
- Si la forclusion correspond à la perte du droit d’agir en justice faute d’exercice de ce droit pendant les délais prévus par la loi, elle n’a pas d’effet extinctif sur la créance, qui peut donc être cédée en vue d’un recouvrement amiable qui est encadré (cf. art. R. 124-1 CPCE).
- Les pratiques et méthodes irrégulières en la matière peuvent être sanctionnées civilement et pénalement. De même, lorsque le recouvrement est effectué par un huissier de justice ce dernier voit sa responsabilité engagée sur le fondement du droit commun de la responsabilité pour faute. En témoigne, l’enquête menée en fin d’année 2016 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes concernant les méthodes de recouvrement employées par les professionnels, qui relevait en fin de contrôles : 15 avertissements, 15 injonctions administratives et 10 procès-verbaux, transmis au procureur de la République.
→ Application pour les services MJPM : A la lumière de cette réponse de la Garde des Sceaux, il convient de rappeler aux M.J.P.M que la personne majeure protégée débitrice qui recevrait des courriers et des appels téléphoniques du fait d’une procédure de recouvrement « amiable » engagée contre elle peut fort bien ne pas réagir. En effet, le recouvrement « judiciaire » et à distinguer du recouvrement « amiable », et ce dernier ne doit pas créer de confusion dans ses effets sur le débiteur (potentiellement majeur protégé) lorsqu’il est réalisé par des officiers ministériels que sont les huissiers :
- dans le 1er cas, l’huissier est muni d’une décision de justice et doit signifier la décision (remise en mains propres au domicile),
- dans ce 2nd cas, l’huissier n’est pas muni d’une telle décision et agit comme le ferait n’importe quelle société de recouvrement (appels, sms, courrier, LRAR) → La personne majeure protégée débitrice n’a aucune obligation de répondre ou recevoir à son domicile l’huissier. N’oublions pas que « seuls peuvent procéder à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice chargés de l’exécution » (art. L122-1 du CPCE) et que « les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier » (art. L111-8 du CPCE).
Une précédente réponse du Ministère de la justice (de Christiane Taubira) publiée dans le JO Sénat du 04/04/2013 précise des exemples de sanctions en cas dérives en matière de recouvrement de créances.
→ Consulter ci-dessous la Rép. min. à QE n° 17636, JOAN Q. 9 juill. 2019, p. 6460 :