Cass. civ. 1, 26 juin 2019, n° 18-15.830 (arrêt rendu sous l’empire de l’ancienne législation avant la réforme du 23.03.19)
Cass. civ. 1, 26 juin 2019, n° 18-15.830 (arrêt rendu sous l’empire de l’ancienne législation avant la réforme du 23.03.19)
A retenir : Une cour d’appel peut souverainement autoriser un majeur protégé à se marier avec la personne dont il partage la vie depuis plusieurs années et envers qui il a exprimé le souhait de s’unir lors de son audition par le juge des tutelles, sans méconnaître l’effet dévolutif de l’appel et l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’ouverture de la mesure de protection.
Faits :
Une dame placée sous tutelle auprès d’un service MJPM pour une durée de dix ans demande au juge des tutelles l’autorisation de se marier avec son compagnon avec lequel elle vit en concubinage depuis une dizaine d’années.
Le juge refuse d’autoriser le mariage sur la base des conclusions de l’expertise médicale qu’il a ordonnée afin de donner un avis circonstancié sur la capacité de la personne protégée à donner un consentement à son projet de mariage et de vérifier sa volonté réelle à s’engager dans cette union. Or, le rapport a conclu que la majeure “n’est pas en capacité de donner un consentement libre et éclairé au projet de mariage. Elle n’a pas la notion des engagements entraînés et des conséquences administratives et financières. Son discours est empreint de troubles du jugement de par les altérations cognitives liées à sa maladie neurologique » .
Le couple interjette appel.
La cour d’appel autorise le mariage en février 2018 en soulignant, notamment, que lors de son audition par le juge des tutelles, la personne protégée avait bien exprimé le souhait de s’unir à son compagnon « malgré les rappels qui lui ont été faits de comportements violents […] à son égard ».
Les enfants de la personne protégée forment alors un pourvoi en cassation au motif que leur mère « (avait) un besoin absolu d’être protégée dans les actes de la vie civile et ne pouv(ait), en toute indépendance, exprimer sa volonté pour consentir librement à ces actes ».
Questionnement :
La Cour d’appel a-t-elle méconnu l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’ouverture de la mesure de protection (tutelle) en autorisant la personne majeure protégée à se marier avec la personne dont elle partage la vie depuis plusieurs années et envers laquelle elle a exprimé le souhait de s’unir lors de son audition par le juge des tutelles ?
Décision :
La cour de cassation répond négativement à cette question, rejette le pourvoi et confirme la décision des juges du fond d’autoriser ce mariage. La haute Juridiction se fonde notamment sur le souhait de la personne protégée exprimé lors de son audition par le juge des tutelles (à l’occasion de la décision d’ouverture de la mesure de protection) ainsi que sur la durée et la stabilité de la vie commune avec son compagnon, qui démontre que son projet de mariage est réel et qu’elle est en mesure d’apprécier la portée de son engagement matrimonial, même si elle devait être représentée dans les actes de la vie civile :
“Mais attendu que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter, a estimé qu’en dépit de la vulnérabilité de Mme G…, le souhait exprimé lors de son audition par le juge des tutelles ainsi que la durée et la stabilité de la vie commune avec son compagnon démontraient que son projet de mariage était réel et qu’elle était en mesure d’apprécier la portée de son engagement matrimonial, même si elle devait être représentée dans les actes de la vie civile ; qu’elle en a souverainement déduit, sans méconnaître l’effet dévolutif de l’appel ni l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’ouverture de la mesure de protection, qu’il convenait d’autoriser la majeure protégée à se marier avec M. X…, dont elle partageait la vie depuis plusieurs années ; que le moyen n’est pas fondé”
ATTENTION : depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, modifiant l’article 460 du Code civil : la personne protégée n’a plus besoin de l’autorisation du juge ou de son curateur pour se marier, elle doit simplement informer son curateur ou tuteur de son projet de mariage, lequel formera opposition s’il le juge nécessaire, sur le fondement de l’article 175 du Code civil modifié, en vertu duquel «le tuteur ou le curateur peut former opposition, dans les conditions prévues à l’article 173, au mariage de la personne qu’il assiste ou représente ».