A retenir : Les héritiers d’une personne majeure placée en curatelle renforcée peuvent poursuivre l’action engagée par cette dernière et décédée en cours d’instance pour contester la décision d’aggravation de sa mesure, peu importe qu’il n’y ait pas d’intérêt pécuniaire constaté.
L’intérêt moral de faire échapper la personne protégée après sa mort à un tel régime de protection plus restrictif suffit à caractériser l’intérêt pour les héritiers à agir en justice.
Faits :
Une femme placée en curatelle renforcée conteste la décision d’aggravation de sa mesure en tutelle ordonnée lors de la révision de sa mesure. La personne protégée décède en cours d’instance. Sa fille, en qualité d’héritière, déclare reprendre l’instance engagée par sa mère.
La Cour d’appel énonce que si l’héritière peut prendre l’instance de la personne protégée décédée, elle déclare l’objet de l’appel sans objet au motif que le décès de la majeure au cours de l’instance d’appel avait engendré une disparition de l’intérêt à agir :
« si le droit à recours peut être transmis aux héritiers, s’agissant d’une action personne/le, il convient cependant de caractériser un intérêt pour l’appelante de remettre en cause le jugement concernant la majeure protégée décédée, et ce, qu’il s ‘agisse de l’appel qui aurait été formé par la fille du majeur elle-même ou bien de la poursuite, en sa qualité d’héritière, du recours initié par sa mère. Cet intérêt peut être moral, ou patrimonial. Il sera relevé en l’espèce que l’appelante n’a pas fait appel pour pouvoir justifier de la validité d’actes qui auraient pu être conclus par le majeur protégé antérieurement à sa mise sous tutelle, de sorte que l’intérêt de remettre en cause la décision déférée ne peut être que moral. À cet égard, il convient de retenir qu’avant l’ouverture de la tutelle, le majeur protégé était déjà placé sous curatelle renforcée et qu’il n’avait donc plus la libre jouissance de ses biens ; le prononcé d’une mesure plus restrictive n’apparaît pas une atteinte suffisante aux droits de la personne pour légitimer un recours contre une décision devenue caduque par l’effet du décès de l’intéressée »
L’héritière forme alors un pourvoi en cassation.
Questionnements :
Le simple fait qu’une instance ait été introduite par le majeur protégé en vue de contester l’aggravation de la mesure suffit-il à caractériser l’intérêt pour les héritiers à reprendre l’instance engagée ? La procédure de contestation de l’aggravation de la mesure a-t-elle toujours un objet malgré le décès de la personne à protéger ?
Décision :
La cour de cassation répond positivement à ces questions et casse la décision de juges su fond.
Aux visas des articles 425 et 440 du code civil, et de l’article 370 du code de procédure civile, la cour de cassation rappelle le principe en vertu duquel “les héritiers et les ayants cause universels du titulaire d’une action à caractère personnel peuvent poursuivre l’action par laquelle leur auteur” ; qu’en outre, la contestation de la décision ayant ordonné une mesure de tutelle ou curatelle présente un “intérêt moral des héritiers (…) consist(ant) à faire échapper leur auteur à un tel régime“. En l’espèce “la contestation ne portait que sur le prononcé d’une mesure plus restrictive”.