Cass. soc., 11 avr. 2018, n° 16-24.749
Cass. soc., 11 avr. 2018, n° 16-24.749
A retenir : Un MJPM salarié d’une association tutélaire manque à son obligation de loyauté et commet une faute grave rendant impossible son maintien dans le service, et justifiant son licenciement, lorsqu’il crée, sans en informer son employeur, une activité libérale de mandataire judiciaire directement concurrente, en utilisant ses fonctions et les moyens mis à disposition par son employeur.
L’employeur procède à son licenciement pour faute grave au motif notamment que : Les démarches accomplies par la salariée, qui lui ont été dissimulées pendant 2 ans (demande d’agrément, désignation sur la liste préfectorale, déclaration d’activité), et l’utilisation des moyens mis à disposition dans le cadre de ses fonctions pour créer et développer son activité professionnelle distincte (financement du CNC sur les deniers publics), sont jugées contraires à ses engagements contractuels, et en violation de ses obligations de loyauté et de bonne foi.
La salariée conteste cette décision devant la juridiction prud’homale.
L’arrêt de la cour d’appel conclu à la nullité du licenciement de la salariée, en état de grossesse au moment de son licenciement. Selon les juges du fond, il ne pouvait être reproché à la salariée un acte de concurrence déloyale, la désignation comme MJPM par le juge des tutelles ne constituant pas un tel acte de concurrence. En outre, le fait que la formation suivie par l’intéressée pour obtenir la qualité de MJPM exerçant à titre individuel ait été financée par l’employeur importait peu. Enfin, les juges du fond avaient opéré une distinction entre la « demande de désignation » de MJPM, que le contrat de travail de la salariée lui interdisait, et sa « demande d’agrément » auprès de l’autorité préfectorale qui, selon eux, n’était pas prohibée.
Questionnement : Un MJPM salarié d’une association tutélaire commet-il une faute grave justifiant son licenciement lorsqu’il crée, sans en informer son employeur, une activité libérale de mandataire judiciaire concurrente ?
Décision : La chambre sociale de la Cour de cassation répond positivement et casse l’arrêt de la Cour d’Appel. Sur les fondements des articles L. 1221-1, L. 1232-1 et L. 1234-9 du code du travail, et le manquement à l’obligation de loyauté, le licenciement pour faute grave de la salariée est justifié : « le fait, pour une salariée, de créer, tout en étant au service de son employeur et sans l’en informer, une activité libérale de mandataire judiciaire directement concurrente de la sienne, caractérise à lui seul un manquement à son obligation de loyauté constitutive d’une faute rendant impossible son maintien dans l’entreprise ».
En outre, les juges du fond auraient dû :
– « examiner le grief relatif au manquement, par la salariée, à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi, caractérisé notamment par le fait qu’elle avait dissimulé pendant plus de deux ans les démarches qu’elle avait accomplies pour créer et développer une activité libérale identique à celle de son employeur, dans le même département »
– « examiner le grief relatif au retentissement que l’attitude de la salariée pouvait avoir sur l’image et la réputation de l’association, dont l’objet et l’éthique clairement affirmée reposait sur le fait de fournir aux majeurs protégés et à leurs familles un service dénué de toute arrière-pensée mercantile, exclusivement voué à leur intérêt, en bénéficiant à cet effet d’un soutien et de financement publics »
– Analyser « la « demande de désignation »,(…) comme interdisant la demande d’inscription sur la liste départementale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, consécutive de l’obtention de l’agrément pour exercer la profession, la cour d’appel a dénaturé le contrat de travail »
Sources : tsa-quotidien.fr